28 mars - Osaka Castle

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Jeudi. Normal working day today, donc pas beaucoup de photos ni d’anecdotes croustillantes, je suis vraiment désolé. Et puis, il pleut.

Le midi, on discute avec des collègues Japonais, dont un de Tokyo. Quand je lui raconte que nous avons visité le quartier Dotonbori, il nous explique que c’est considéré comme un endroit pas très safe vis à vis des critères Tokyo. Pour nous, simples Européens, le quartier nous a paru parfaitement propre, touristique et très sécurisé, mais visiblement les standards de Tokyo sont encore un cran au dessus. J’avais déjà entendu que le Japon était un endroit très secure, et visiblement cette réputation n’est pas usurpée, il semble qu’on puisse aller plus ou moins n’importe où à n’importe quelle heure sans aucune crainte.

On discute un peu écologie également. Autour de la table, il y a des Australiens, des Japonais, Coréens, Américains, Anglais, etc. Lorsque j’explique qu’on vient de mettre en place des quotas carbone dans notre laboratoire pour limiter nos déplacements en avion (environ un transatlantique max par an) et que nous n’avons pas le droit, en France, de prendre l’avion s’il existe un train à moins de 5 ou 6 heures, ils ouvrent tous des yeux ronds comme des billes comme si nous étions des extra-terrestres. Ma collègue Australienne que je connais depuis longtemps m’explique qu’elle fait une dizaine de voyages Europe ou Asie par an, ça lui parait inconcevable, du point de vue de son travail de faire moins. Visiblement, nous avons des perceptions extrêmement différentes de ces aspects là. Le collègue Japonais fait rire tout le monde en expliquant que les Japonais ont résolu une partie du problème écologique chez eux car ils n’ont en moyenne qu’environ 1.2 enfant par femme, ce qui réduit considérablement la population … Il ajoute ensuite, malicieux, que ça pose tout de même un certain problème pour les retraites. Changer de continent fait vraiment réfléchir à notre façon de voir le monde.

Dans l’après-midi, je dois gérer une tâche difficile et délicate, dévolue aux (vieux) chercheurs, dont je m’en vais vous conter les mystères: être “chairman” d’une session (ou “convener”). Il s’agit, pendant un créneau de temps donné, par exemple de 10h à 11h d’aller s’assoir sur une des chaises devant la salle, à côté du pupitre face au public, et de présenter et introduire les différents orateurs le temps de la session. C’est un travail très difficile. Tout d’abord, il faut, pendant le brouhaha des gens s’installant dans la salle, finissant leur café et en grande discussion avec leur voisin, remercier tout le monde et les prier de venir s’assoir et s’il vous plait de faire un peu de silence, s’il vous plait, merci, s’il vous plait, non mais vous allez vous taire qu’on puisse débuter! Une fois le calme venu, on donne le titre de la session et on accueille le premier orateur en indiquant son nom et le titre de son travail. Et là, première difficulté. S’il s’agit d’un Pierre Durand ou Bruce Jackson pas de problème, on maitrise. En revanche, la plupart du temps, c’est quelque chose comme Yoshiyuki Dinindu ou encore Gunasekara Chatzipapas Tatsuhiko Akihiro et là, ben c’est pas de la tarte à prononcer correctement. En général, l’orateur sait qu’il va passer et attend qu’on prononce son nom mais comme il ne comprends pas ce que vous dites, car évidemment ça ne se prononce absolument pas comme ça, il y a une valse hésitation un peu gênante. Une fois la présentation débutée, on pourrait croire avoir une dizaine de minutes de repos, tranquillement assis avec l’esprit voguant la galère, mais que nenni. Il faut d’une part se composer un faciès concerné, laissant entendre au public que l’on maitrise le sujet présenté alors qu’on n’y comprend en réalité absolument rien, et d’autre part, se préparer pour la fin. En effet, une fois la présentation terminée, lorsque la phrase rituelle “thank you very much for your attention” est prononcée, il nous faut agir promptement. Tout d’abord déclencher la salve d’applaudissement. Parfois elle vient naturellement, mais parfois, par exemple en début d’après-midi après le repas, tout le monde somnole un peu et il faut donc réveiller tout ça. Ensuite, vient le moment de prendre les questions de l’assemblée à destination de l’orateur. Deux cas de figures se présentent alors. Soit l’orateur a été plutôt brillant et/ou le travail intéressant et les questions se bousculent. La tâche alors consiste à passer la parole et faire des choix parmi les questionneurs. C’est là que l’expérience joue un rôle: s’il y a le choix, il faut faire faire semblant de ne pas voir le bras levé du vieil emmerdeur au fond qui va juste monopoliser la parole pour expliquer qu’il a déjà fait mieux il y a 20 ans. L’autre cas de figure, c’est qu’il y a un silence de mort dans la salle au moment de questions. En général, c’est lorsque il y avait trop d’équations à assimiler ou que l’accent de l’orateur était proche de celui d’un paysan du Berry essayant de parler Japonais avec un accent méridional. Dans ce cas, c’est à notre tour de trouver une question à poser qui puisse vaguement paraitre intelligente ou du moins pas trop bête. J’ai un peu de bouteille maintenant et arrive en général à repérer un point de détail absolument sans importance sur lequel je demande des précisions et permet de faire croire que je connais le sujet et que cet aspect là est vraiment crucial, alors qu’en réalité, c’est la première fois que j’entend parler de ce truc bizarre.

Un peu plus tard, c’est mon tour de faire le mariole sur scène. J’avais initialement décidé d’un petit show avec déhanché à la Elvis et des cris à la Mickael Jackson, mais je me dégonfle finalement à la dernière seconde et ânonne mon speech comme tout le monde.

Le soir le “gala dinner” est prévu dans un endroit prestigieux, le Osaka-Jō-Kōen (Osaka Park Castle). Malheureusement, il pleut pas mal donc la promenade dans le parc n’est pas fameuse, mais on s’extasie tout de même devant les temples et le château, parfaitement illuminé, qui domine. Le parc est construit un peu en hauteur autour de la rivière Daini Neya. Il semble fermé pour les touristes à cette heure-ci et nous nous faisons guider par des japonais armés de bâton lumineux pour nous indiquer le chemin et proposant des parapluies à ceux qui n’en ont pas. Il y a des cerisiers placés stratégiquement et éclairés par des projecteurs. Les fleurs ne vont pas tarder, mais elles ne pointent pas encore le bout de leur nez. On sent qu’il y a une attente fébrile et que dès leur apparition le show va commencer.

Le repas est prévu à la maison d'hôtes du gouvernement d'Osaka (Geihin-Kan), une chouette sorte de temple. On nous accueille à la Japonaise, avec une attention de tous les instants. Des dizaines de personnes, des étudiants des différents groupes de recherche locaux probablement, sont là pour récupérer les vestes et conduire les uns et les autres dans la grande salle centrale. A l’entrée on nous remets un petit coupon qui nous indique à quelle table on doit s’installer. Je suis donc table C et m’aperçoit que nous pouvons, autour de cette table, choisir de s’installer à la place de son choix. Cette liberté me choque un peu, mais bon, la permissivité des Japonais est rafraîchissante. Je me retrouve avec des personnes de tous les continents: Inde, Asie (Corée, Chinois), Australie, Europe, c’est vraiment super sympa d’échanger sur tout et rien. Le repas est un rien décevant, il est en fait centré sur des plats “Français” (soupe de courge, veau sauce bouillabaisse), qui ont probablement été choisi comme marqueur d’un certain luxe, mais forcément tombe un brin à plat pour les Européens, on aurait préférer gouter des spécialités locales. Peu importe, la soirée est très sympathique, et on échange sur Hong-Kong, Sydney, Londres, Séoul, Bombay et Chatanay-city, comparant les qualités et les défauts de ces hauts-lieux de civilisation. Au signal, 21:30 heure pétante, notre hôte nous souhaite une bonne nuit et on n’entend plus que des “Arigato gozaimasu” dans tous le sens tandis que tout le monde s’éclipse. Une bonne marche sous la pluie nous ramène à l’hôtel d’où je finis d’écrire le texte que vous avez lu hier et finalise quelques emails avant de sombrer.

 

 

(Note: toutes les photos sont visibles sur ce lien...)

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