Jour 5 - Cayo Jutìas

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Avant de démarrer la journée, je tiens tout de même à dénoncer : dans la chambre, partagée avec C, C et C, et bien, non seulement C ronfle mais C également. C'est dis.

Aujourd'hui, c'est journée plage à Cayo Jutìas, pas très loin, à environ 60 km. On a convenu hier avec un gars dans la rue qu'il viendrait nous chercher avec un véhicule suffisant pour neuf. Et pas suffisamment neuf, nuance. Effectivement, c'est plus grand qu'une Clio. C'est une americano Pelicano, comme l'indique le volatile chromé a l'avant du capot. On s'entasse tous, à 10 donc avec le chauffeur, dans l'énorme caisse bleue pétard. C'est quand même un brin serré. La voiture date de 1957 (véridique), le motor es inglés alors on est rassurés. Les routes sont gentiment abîmées et deviennent petit à petit complètement défoncées, avec des trous partout et énormes, entre lesquels le pilote zigzague savamment. De route à trous, ça passe à trous avec des morceaux de routes. Via in construcciõn annonce des panneaux à intervalles réguliers, nous instillant ainsi un certain espoir dans l'avenir. A titre personnel, il me semble que la via a effectivement dû être en construction, mais plutôt dans les années 60. Cela dis, c'est vrai que je n'y connais rien en construction de route.

On ne progresse pas bien vite, mais qu'importe car la clim double flux est intégrée: on ne peut pas fermer les fenêtres et un ventilateur monté sur le tableau de bord effectue des semi rotations régulières grâce à un ingénieux montage électrique apparent. On mettra environ 1h30 à être secoués comme des bananiers (pas de prunier ici).

L'arrivée à la plage est un soulagement, et le trajet en vaut la chandelle, la plage est superbe, sable blanc, cocotier, eau bleue. C'est classique à voir à l'heure d'internet, mais ici pas d'internet, alors on l'a en vrai. On passe la journée sur place, avec de belles séances de snorkelling. Une fois assez loin du bord, on voit pas mal de poissons colorés. On balade aussi dans le coin, vers une chouette plage bordée de grands pins sur laquelle les chauffeurs des americano qui emmène les touristes fond la sieste en attendant le moment du retour. On croise d'ailleurs notre chauffeur, il ne dort pas, lui, car il s'occupe du moteur qu'il a démonté. Cela montre le sérieux de notre guide et nous continuons la promenade fier d'être entre des mains aussi prévenantes. Derrière le bord de plage, une belle mangrove s'étend. J'y fais un petit tour mais en ressort assez rapidement ressentant quelques picotement dans le dos. Mon retour ne passe pas inaperçu, j'ai, parait-il le dos cloqué d'une multitude de boursouflure de piqures de moustiques. M'en fout, je peux pas voir mon dos. Bien évidemment ces sadiques prennent des photos ...

En fin d'après-midi, on rejoint notre véhicule bleu rutilant pour prendre le chemin, cahoteux, du retour. Au bout de 5 minutes, le bruit (monumental) du moteur change progressivement de rythme, la voiture s'étouffe et cale. Le chauffeur coupe le contact, laisse la musique, et descend ouvrir le capot. Un premier véhicule, qui nous suivait jusqu'à lors, stoppe alors juste derrière et son chauffeur se joint au notre pour plonger la tête sous le capot. Sur ce type de Pelicano, le capot est réellement très très grand. Comme il y a beaucoup de place dans ce capot, tous les chauffeurs qui passent arrêtent leur véhicule, abandonnent leur touristes respectifs et ajoutent leur tête aux premières. Bientôt, un bel attroupement se forme, environ 7 ou 8 voitures, ce qui fait tout de même une bonne trentaine ou quarantaine de personnes (les autres ne sont tout de même pas tous aussi nombreux que nous par véhicule). Les touristes blaguent en prenant des photos, les chauffeurs échangent des tonnes de conseils. Ils semblent tout de même un brin circonspects, surtout lorsque qu'ils contemplent l'espèce de durite en caoutchouc noir qu'ils ont extraite du moteur. Je m'approche en connaisseur en les poussant gentiment pour leur indiquer ce qu'il faut faire, mais je m'aperçois rapidement que la conception du moteur d'une Pelicano est finalement un peu plus complexe que ce que j'avais imaginé. J'avoue que je connais moins les moteurs modernes.

Notre chauffeur, qui ne s'est pas arrêté une seconde de farfouiller, se dégage du capot, va chercher un jerrican dans le coffre, dévisse une ouverture à l'arrière, sous la voiture, et remplis d'essence le bidon. Il le ramène vers le capot, prends une grande corde effilochée bleue et entreprend d'insérer la durite dans le jerrican et d'attacher celui-ci aux barres de métal faisant office de renfort sous le capot. L'ingéniosité est à son comble, un nouveau réservoir d'essence est donc ainsi subtilement ajouté à l'avant du véhicule. Notons que l'opération est périlleuse car il faut ensuite parvenir à fermer le capot tout en faisant en sorte que le jerrican et la durite restent en place. Une fois le nouveau réservoir inséré, tout le monde s'écarte un peu, notre chauffeur remonte au volant et s'apprête à démarrer. Les touristes et les autres chauffeurs autour se figent un instant lorsque la clé tourne dans le contact. L'instant est important, et pour le souligner, notre chauffeur a même éteint la musique. Ça tousse un peu mais rapidement le moteur vrombit sous l'acclamation de la foule et les hochements de têtes admiratifs. On remonte prestement.

Cuba Mac Gyver

 

Je l'avoue, bien qu'admiratif de la réparation ingénieuse et ignorant de la chose automobile, j'imagine quand même qu'un bidon d'essence *dans* le moteur pourrait quand même peut être chauffer un peu, non ? Sachant que je ne parviens pas à ouvrir la porte de l'intérieur, je cherche un stratagème permettant d'évacuer rapidement du véhicule, on ne sait jamais. Une idée germe. Lors du départ, je décide de ne pas bien fermer ma porte pour être prêt à évacuer d'un coup d'épaule. Je laisse donc la portière reposer doucement. Cela m'oblige, certes, à la tenir avec la main pendant les virages, mais cela me confère un certain, relatif peut être, sentiment de confiance. Malheureusement, c'est sans compter sur l'ouïe de lynx (oui les lynx entendent bien aussi) du chauffeur. Au bout de quelques nids de poules, notre pilote mécanicien repère un claquement suspect parmi les pourtant nombreux et sonores grincements ambiants, et tourne sa tête dans ma direction. Avec un petit air du type "I got you bro", il me fait signe de fermer correctement la portière. Damned, je suis pris et tenu d'obtempérer.

On roule ainsi tout le retour, avec une pause au milieu pour faire le plein, c'est à dire vidanger l'essence du réservoir arrière vers le jerrican sous le capot, et on repart. En chemin, on croise une autre Americano à touristes arrêtée sur le bord de la route, près d'un pont au dessus d'une rivière. Les gens sont sortis autour du véhicule et notre chauffeur ralentit pour voir s'il y a besoin de son aide. Cependant, on ne voit que les touristes, leur chauffeur semble avoir disparu. Après quelques échanges, on comprend que, prévenant, il est allé dans la rivière avec des bouteilles en plastiques pour refaire le plein d'eau du radiateur. Rassurés, nous repartons sereins.

Arrivés à la casa, nous remercions allègrement notre sauveur, un brin étonné de notre étonnement vis à vis de la réparation. Le véhicule est encore bien récent (pensez, 1957, une paille !), et ces voitures modernes nécessitent parfois de petits ajustements.

Le soir, on se remet doucement du soleil à l'ombre de mojitos et on entame l'antépénultième palabre du soir pour organiser le lendemain. Maricela y Giber sont sympathiques et reviennent longuement sur notre choix inopportun de véhicule, illegal semble t'il. On essaye également de les orienter un peu vers le référendum sur la constitution (l'anniversaire des 60 ans de la Revolución) qui aura lieu dans 2 jours, mais à part que ce sera "un peu plus moderne", on n'apprendra pas grand chose. Giber revient, pour le troisième soir consécutif, afin d'essayer de nous fourguer ses cigares monumentaux, mais comme on n'est pas très amateur, il est un brin déçu et se les passe et repasse sous le nez.

(Note: toutes les photos sont visibles sur ce lien ...)

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